L'enfant sauveur ou le syndrome de l'enfant thérapeute
Dernière mise à jour : 3 mars
L’enfant thérapeute : quand le parent attend inconsciemment de son enfant une réparation de sa propre enfance ou de sa propre vie, l’enfant porte alors une lourde responsabilité… Ce syndrome a été décrit par le psychanalyste Samuel Dock.
Dans les cas les plus extrêmes, on peut lire ou entendre des histoires d’enfants en bas âges qui font les repas car papa ou maman a trop bu, ou bien d’enfants qui écoutent leurs parents se plaindre pendant des heures ou encore d’autres qui dorment avec leurs parents pour les rassurer. On voit bien ici que les rôles semblent inversés… Mais lorsque l’enfant grandit cela peut devenir plus insidieux, et plus difficile à déceler pourtant les conséquences peuvent-être tout aussi grave, cela passe parfois par du chantage par exemple. Le point commun est que l’enfant, qui pour être/se faire aimer, prend une place qui n’est pas la sienne. Celle du sauveur, eh oui, le fameux ! celui du triangle de Karpman qui empoisonne nos relations…
Pourquoi/comment l’enfant devient thérapeute ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu… D’abord le contexte familial ainsi que l’histoire de naissance de l’enfant : c’est-à-dire tout ce qu’il s’est passé depuis que papa ou maman désire ou non, avoir un enfant. On retrouve ici des enfants qui sont faits pour éviter que papa et maman se séparent ou bien les enfants de remplacement après un décès ou une fausse couche (voir Syndrome du Gisant, Salomon Sellam) par exemple.
Ensuite, l’enfant, « éponge émotionnelle » absorbe simplement au travers de ses 5 sens les émotions des personnes qui l’entourent, ici les parents. Le parent qui traverse une épreuve douloureuse ou bouleversante pense cacher cela à son enfant et ainsi le protéger, et en réalité c’est l’inverse qui se produit.
En effet, les enfants qui sont très intuitifs et connectés à leurs ressentis et émotions, vont percevoir que quelque chose cloche et se retrouver à gérer cela, ils peuvent alors jouer le rôle de miroir pour leur parent (comme pour leur montrer ce qui pose problème chez eux), ou bien agir pour devenir une priorité pour le parent, dans ce cas c’est son mode survie qui s’exprime, il attire l’attention du parent par tous les moyens pour le détourner de son ressenti . Les deux s’entremêlent parfois et il est important de noter que dans les deux cas l’enfant peut aller jusqu’à se rendre malade pour son parent, que les symptômes soient physiques ou psychiques.
Lorsqu’il est plus grand, l’enfant peut ressentir de la culpabilité de ne pas pouvoir aider ou soulager papa ou maman ou même se sentir responsable de son état. Lorsque l’enfant est un adulte, il peut entrer dans une relation d’aide saine avec son parent, si la demande est clairement formulée, consentie par les deux parties, limitée dans le temps et dans le contenu. Il est alors nécessaire d’exprimer clairement ses limites et de se respecter pour éviter que l’aide deviennent toxique/néfaste pour lui-même.
Comment prévenir ce syndrome et ses conséquences ?
Pour les parents d’enfants en bas âges, l’idée est de leur parler au maximum de votre histoire mais aussi de la leur, en leur racontant par exemple leur histoire de naissance ainsi que vos traumatismes d’enfance à vous, ce qui as fait de vous ce que vous êtes. L’idée est d’expliquer et d’expliciter au maximum vos ressentis à l’enfant plutôt que de justifier vos comportements. Par exemple, papa et maman ont déjà été très triste parce qu’avant toi ils ont perdu un bébé, c’est pour ça que parfois ils s’inquiètent beaucoup pour toi…
Il en est de même lorsque vous traversez une période bouleversante en tant que parent, il est important de verbaliser avec l’enfant pour que celui-ci ne soit pas seul pour gérer cela. Par exemple, une maman irritable, stressée, en colère et triste car elle a perdu son travail, peut simplement dire à son enfant ce qu'elle traverse et ressens, « J’ai perdu mon travail, je suis en colère et triste car je trouve cela injuste, je suis aussi stressée car je dois prendre soin de toi et vite retrouver du travail… Mais toi, tu as le droit de ressentir de la colère car je suis moins à l’écoute pour toi, tu as aussi le droit de continuer simplement d’être et de vivre ta vie d’enfant... » Simplement l’idée ici est de prendre du recul et de prendre conscience de nos émotions et de ce que l’on traverse pour pouvoir l’expliciter et l’exprimer pleinement à l’enfant. Vous aurez peut-être besoin d’aide pour cela et c’est ok. Ainsi l’enfant peut se sentir rassuré et accompagné, il peut même digérer seul et spontanément les informations jusqu’à environ 7 ans et le parent reprend conscience de sa responsabilité. Et si un jour l’enfant a besoin de travailler sur lui quel qu’en soit la raison, il aura toutes les informations pour le faire.
Si le parent a besoin d’aide il doit la demander ailleurs qu’à l’enfant et c’est ce qui est difficile car parfois ces personnes n’ont même pas conscience de leur état et c’est là que l’entourage doit prendre le relais ou que l’on peut entamer une thérapie familiale.
Lorsque l’enfant est plus grand, il peut choisir de dire stop, se choisir lui, respecter ses limites et s’éloigner si nécessaire. Il est temps pour lui de redistribuer la responsabilité en prenant conscience qu’il est impossible pour lui de guérir le parent. En effet, il doit accepter avoir vêtu le costume du sauveur (pour sauver son parent victime), il peut donc choisir d’en sortir. Quant à son parent, il a lui aussi choisi de revêtir le costume de victime, et il lui appartient à lui de le garder ou de s’en défaire. L’enfant rend ainsi sa responsabilité à son parent, lui expliquant que lui seul peut faire le cheminement vers la guérison.
"La guérison ne peut venir que de l’intérieur,
c’est-à-dire de la personne souffrante elle-même."
Mais alors que faire si nous souffrons d’être ou d’avoir été l’enfant thérapeute ?
Tout d’abord, vous pouvez l’être ou l’avoir été et n’avoir aucun ressentis négatifs sur cette période et c’est super. Toutefois si, vous avez un ressenti négatif ou un schéma qui se répète et qui vous gêne vous pouvez travailler sur vous ! Peut-importe la méthode, l'essentiel étant qu'elle vous convienne.
Une question ? Je vous lis ou vous écoute et vous réponds avec plaisir.
